Pétition Stop aux brevets logiciels
.
Le but d'un brevet est de favoriser l'innovation en accordant à un inventeur un monopole provisoire pour lui permettre de commercialiser son invention. Dans le domaine du logiciel, les brevets sont inutiles, car les coûts et les temps de développement sont bien moindres que pour les processus industriels; la protection par le droit d'auteur est suffisante, et même préférable, car gratuite. En pratique, les brevets logiciels (aux États-Unis et au Japon, où ils ont une existence légale) ont exactement l'effet opposé. De nombreux brevets triviaux ou non techniques et n'ayant rien d'innovant (voir ci-dessous) sont utilisés pour menacer des entreprises. Celles-ci pourraient contester la validité de ces brevets devant un tribunal, mais de tels procès durent longtemps (plusieurs mois ou années) et coûtent très cher; en général, elles préfèrent payer une redevance, sans base légale. Les particuliers et, en particulier, les développeurs de logiciels libres pourraient aussi être menacés.
Les brevets logiciels portent sur des idées générales formant de petites composantes de logiciels (et non pas sur un logiciel complet). Il est ainsi difficile, voire impossible, d'écrire un logiciel sans être confronté à nombre de brevets portant sur des idées élémentaires (la Boutique web européenne brevetée en est un bon exemple). Et il est en pratique impossible de vérifier (cf le procès d'IBM à Sun Microsystems dans les années 1980, par exemple).
À qui les brevets logiciels profitent-ils? Principalement aux grands groupes, qui ont beaucoup d'argent et peuvent ainsi déposer de nombreux brevets d'un côté et supporter les coûts de procès de l'autre. Ceci rejoint ce qu'a écrit Bill Gates en 1991. Même un individu ayant un brevet vraiment original ne pourrait pas faire valoir ses droits sans dépenser des frais juridiques énormes, parce que son logiciel violerait probablement certains brevets triviaux. De petites sociétés propriétaires de brevets (même triviaux) mais qui n'ont pas de produits peuvent aussi profiter du système en menaçant d'autres sociétés, car elles n'ont rien à perdre.
Voir également l'article très instructif Ces sociétés qui tirent profit des brevets logiciels (septembre 2004, sur JDN Solutions) sur ces sociétés qui n'inventent rien, ne produisent rien, et ne vendent que des licences, sous menace de procès, sur des brevets logiciels. Ces brevets logiciels peuvent pourtant être jugés invalides ultérieurement, lorsqu'une société a les moyens et la volonté de contester le brevet en justice.
En janvier 2002, la Commission Européenne présenta une proposition en vue d'harmoniser la situation en Europe, autorisant les brevets logiciels.
Le 24 septembre 2003, le Parlement européen ajouta des amendements à cette proposition, écartant ainsi les brevets logiciels; le texte fut approuvé à une large majorité (361 pour, 157 contre et 28 abstentions).
Mais le 18 mai 2004, le Conseil des Ministres approuva, à une courte majorité, un texte autorisant complètement la brevetabilité des logiciels, ignorant ainsi le vote du Parlement. Noter la façon dont la présidence irlandaise a poussé le Danemark à donner ses voix pour obtenir cette majorité. La France a également voté pour, alors que le Président Chirac s'était prononcé contre les brevets logiciels lors de la campagne présidentielle de 2002. À ce moment, cette position n'était pas supportée par l'Espagne, l'Italie, l'Autriche et la Belgique.
En juillet 2004, le parlement néerlandais passa une motion demandant au gouvernement néerlandais d'arrêter de supporter le texte du Conseil.
18 novembre 2004: la Pologne ne soutient pas le texte approuvé par le Conseil. L'accord du 18 mai ne peut donc plus être formellement adopté en tant que position commune du Conseil de l'UE.
Décembre 2004:
malgré l'opposition initiale de plusieurs pays et l'actuelle absence de
majorité en faveur du texte du 18 mai, l'adoption de la directive a été
ajoutée en point A
(c'est-à-dire sans débat ni vote)
d'une session du Conseil sur l'environnement! Et cet ajout a été fait
seulement 2 jours avant la session, alors que le règlement intérieur du
Conseil exige un délai de 14 jours.
Le sous-secrétaire d'État polonais à la science et aux technologies de l'information, Wlodzimierz Marcinski, est venu en personne à Bruxelles et a finalement réussi à obtenir le report de l'adoption de la directive, qui pourra alors être de nouveau discutée et modifiée. Une nouvelle fois, un grand merci à la Pologne!
Janvier 2005:
le 19 janvier, il a été annoncé que l'adoption de la directive devait être
ajouté en point A
d'une session sur la pêche le 24, mais la
Pologne s'y est de nouveau opposée. Encore merci!
Pendant ce temps, la commission des affaires juridiques du Parlement européen (JURI) prépare un redémarrage à zéro de la procédure, qui devrait être voté le 2 février (voir JURI Decision about Restart of Procedure on Software Patents).
2 février 2005: La commission JURI du Parlement européen vote à une large majorité pour un redémarrage à zéro.
28 février 2005: La Commission a écarté la demande du Parlement européen pour un redémarrage de la directive sur les brevets logiciels. La directive refera son apparition en point A le 7 mars.
7 mars 2005:
La présidence du Conseil
a adopté la directive du 18 mai 2004 en point A
,
malgré la demande du Danemark (soutenue par d'autres pays) de la passer
en point B
(avec discussions). Le texte retournera alors
au Parlement européen pour une seconde lecture, mais le rejet du texte ou
les amendements nécessiteront une majorité absolue (en particulier, une
absence compte comme un vote en faveur de la directive du Conseil).
Voir également: article sur ZDNet.fr et billet sur StandBlog. Et sur Publius: la constitution européenne n'aurait rien changé.
6 juillet 2005: Le Parlement européen rejette la directive (article dans Le Monde).
Janvier 2006: La Commission Européenne réessaie de faire adopter le brevet communautaire, incluant les brevets logiciels.
Actualités des brevets logiciels, en anglais. Ou voir les communiqués de presse de la FFII France, mais avec moins d'informations.
Selon un rapport de PriceWaterhouseCoopers, Pays-Bas, 2004 (Rethinking the European ICT Agenda, paragraphe 342 page 50):
There are particular threats to the European ICT industry such as the current discussion on the patent on software. The mild regime of IP protection in the past has led to a very innovative and competitive software industry with low entry barriers. A software patent, which serves to protect inventions of a non-technical nature, could kill the high innovation rate. However, opinions on software patent in its current proposed form vary a lot. Many large companies operating on a global scale, including European ones, seem to be in favour of a software patenting regime. But most small enterprises are strongly opposed. Only very few European companies have prepared themselves for the consequences of a software patent regime. It raises the question how the introduction of the European software patent interacts with a European strategy based on widespread use of ICT's.
Liens divers sur les brevets logiciels en Europe:
Patent absurdity par Richard Stallman (20 juin 2005, sur ZDNet). Cet article explique bien la différence avec le copyright et reprend une analogie avec les oeuvres littéraires.
Michel Rocard ferraille contre le brevet logiciel (17 février 2005, dans Le Monde, article payant).
Pourquoi les brevets logiciels menacent l'industrie européenne, par François Letellier (juin 2004, sur JDN Solutions).
An activism update from Europe, par Tom Chance (juin 2004).
Pétition pour une Europe sans brevets logiciels.
Les brevets logiciels en Europe: une courte introduction (avec plus de détails que ci-dessus).
Des éditeurs français interpellent le Président Chirac (mai 2004, sur ZDNet.fr).
Brevets, logiciels et polémiques (septembre 2003, sur ZDNet.fr).
La liste ci-dessous est loin d'être exhaustive et je n'ai pas le temps de la mettre à jour. Mais des liens vers d'autres sites sont donnés sur cette page.
20 brevets triviaux dans le commerce en ligne: la Boutique web européenne brevetée (version française du Patented European webshop).
Google poursuivi pour avoir ajouté des options à des liens. La plainte a été déposée le jour même où le brevet a été accordé!
[Brevet US n°7206839 (Method for adding a user selectable function to a hyperlink)]
IP Innovation poursuit Apple pour violation d'un brevet obscur sur une interface graphique (avril 2007, sur Engadget). Article complet sur Ars Technica.
[Brevet US n°5072412 (User interface with multiple workspaces for sharing display system objects)]
Vertical Computer Systems poursuit Microsoft pour utilisation sans permission de son brevet de méthode de génération de sites web
dans le contexte de .Net (avril 2007, sur InfoWorld).
[Brevet US n°6826744 (System and method for generating web sites in an arbitrary object framework)]
Microsoft copie BlueJ, l'admet, et le brevette. Cependant, quelques jours après la révélation, Microsoft retire sa demande de brevet, disant que c'était une erreur. Était-ce vraiment le cas?
Au sujet des brevets sur le JPEG:
Août 2004. Forgent Networks et les brevets sur le JPEG (discussion en anglais sur Slashdot).
Avril 2005. Forgent poursuit également Microsoft (article sur ZDNet.fr).
Mai 2006. Finalement, le brevet JPEG est rejeté par l'office des brevets américain: Groklaw, Linux-Watch, LWN.
Voir aussi les problèmes liés aux brevets, sur Wikipedia (également en anglais).
Brevet accordé à Microsoft pour faire une pause d'un programme de télévision lors d'un clic sur un lien hypertexte (décembre 2005). Encore un brevet évident, non technique.
[Brevet US n°6973669 (Pausing television programming in response to selection of hypertext link)]
Amazon paie 40 millions de dollars à Soverain avant le début d'un procès, pour éviter des frais de justice inutiles (août 2005, sur ZDNet.fr, et plus de détails en anglais).
Brevet de Microsoft sur la conversion de structures de données (objets) en XML (mai 2005, en anglais sur ZDNet UK); une version de cet article est également disponible en français, mais la traduction est mauvaise: dans la phrase Certains développeurs soutiennent qu'un tel brevet n'aurait jamais dû être accordé, car Microsoft pourrait l'utiliser pour décourager la concurrence
, remplacer le car
par et
. Idée banale et non technique. Il y aurait d'ailleurs du prior art.
[Brevet US n°6898604 (XML serialization and deserialization)]
À propos de la demande de brevet sur IsNot
de Microsoft (février 2005, en anglais sur The Register).
Le brevet sur l'encodage des latitude/longitude de Microsoft (février 2005, discussion en anglais sur Slashdot): trivial, très similaire à des méthodes connues, et probablement inutile dans sa généralité.
[Brevet US n°631611 (Compact text encoding of latitude/longitude coordinates)]
Kodak fait condamner Sun (octobre 2004, sur ZDNet.fr) concernant des brevets (achetés par Kodak) portant sur le concept de délégation. Sun a accepté de payer 92 millions de dollars pour éviter de s'engager plus loin dans un long procès.
Des opérateurs Wi-Fi font face à une nouvelle demande de royalties pour un brevet concernant les redirections vers une page d'accueil (octobre 2004, sur Canard WiFi). Article plus complet en anglais sur Wi-Fi Networking News.
[Brevet US n°6226677 (Controlled communications over a global computer network)]
À la demande de PUBPAT, l'Office des Brevets américain rejette le brevet de Microsoft sur la FAT [sur les noms de fichiers longs] (septembre 2004). Voir aussi l'article sur The Register.
[Brevet US n°5579517 (Common name space for long and short filenames)]
Xybernaut Corporation brevette l'ordinateur collier (septembre 2004, discussion en anglais sur Slashdot).
[Brevet US n°6798391 (Wearable computer system)]
Encore plus de délire pour les brevets Microsoft (septembre 2004, en anglais sur The Inquirer), cité sur StandBlog.
[Brevets US n°6785865 (Discoverability and navigation of hyperlinks via tabs) et n°6784354 (Generating a music snippet)]
Ces sociétés qui tirent profit des brevets logiciels (septembre 2004, sur JDN Solutions).
Microsoft brevette le sudo, une fonctionnalité qui existe depuis plus de 20 ans dans les systèmes Unix (août 2004, discussion en anglais sur Slashdot).
[Brevet US n°6775781 (Administrative security systems and methods)]
Nintendo brevette des fonctionnalités clés de jeu en ligne, comme les tableaux de rencontres et les communications par la voix (août 2004, en anglais sur The Register).
[Brevet US n°6769989 (Home video game system with hard disk drive and internet access capability)]
Microsoft brevette la TODO list (juin 2004, discussion en anglais sur Slashdot).
[Brevet US n°6748582 (Task list window for use in an integrated development environment)]
Un brevet sur le clic long / double clic est accordé à Microsoft (juin 2004, discussion en anglais sur Slashdot).
[Brevet US n°6727830 (Time based hardware button for application launch)]
Le brevet de Network Associates sur l'antispam (juin 2004, discussion en anglais sur Slashdot). Aussi en français sur LudoBlog.
Le brevet d'Eolas sur les plug-ins et le procès contre Microsoft (mai 2004, sur ZDNet).
E-Data poursuit Getty Images et Corbis pour distribution de contenu numérique (par exemple, des images ou de la musique) sur Internet (mai 2004, sur ZDNet). Dans le passé, E-Data a poursuivi Microsoft et d'autres pour leurs services de téléchargement de musique (janvier 2004, sur ZDNet).
Amazon poursuivi par de vieux brevets embarrassants (mars 2004, sur ZDNet.fr).
Amazon brevette les bons d'achat virtuels (août 2003, sur ZDNet.fr).
Le brevet d'IBM sur les toilettes publiques (octobre 2002, sur News.Com): un système basé sur la règle premier arrivé, permier servi. IBM a finalement renoncé à ce brevet.
[Brevet US n°6329919 (System and method for providing reservations for restroom use)]
Le brevet de British Telecom et les liens hypertextes (août 2002, sur ZDNet.fr). British Telecom avait tenté, sans succès, d'imposer une licence à des fournisseurs d'accès Internet, et avait alors poursuivi l'un d'eux en justice; procès perdu après un an et demi.
FFII et FFII France.
League for Programming Freedom et ses pages sur les brevets logiciels. Ce site inclut une lettre du Pr Donald Knuth à l'office des brevets américain.
Brevet contre brevet, par Mozinet (octobre 2004, sur BlogZiNet).
Combattre les brevets logiciels, individuellement et collectivement, par Richard M. Stallman, 2004.
Patents and Linux, par Tim Bray (août 2004). Une petite citation: In software, assume that everything is already patented. You can't build anything, no matter how new it is, without infringing someone's patent.
Traduction: Dans le logiciel, supposez que tout est déjà breveté. Vous ne pouvez pas construire quelque chose, quelle que soit sa nouveauté, sans enfreindre le brevet de quelqu'un.
Sophie G. avait donné ce lien dans un commentaire sur StandBlog; Tristan s'est alors empressé de faire une traduction en français de l'essentiel de cet article.
Les brevets logiciels contre le Libre: première attaque (août 2004, sur StandBlog).
Software's game of mutually assured damage, par Ross Gittins (juillet 2004, sur le Sydney Morning Herald).
Le monde fascinant des brevets logiciels (juillet 2004, sur StandBlog).
De l'impossibilité de vérifier les brevets (juin 2004, sur StandBlog).
Brevets Logiciels: une action contre le terrorisme juridique (mai 2004, sur StandBlog).
L'initiative Microsoft Patent Watch de la Public Patent Foundation. Voir aussi l'article sur Groklaw
Technology industry hits out at patent trolls
(juin 2004, sur BBC News).
Brevets que Microsoft peut enfreindre (mai 2007, sur LXer).
The Patent, Used as a Sword, par Charles Duhigg et Steve Lohr (octobre 2012, dans le New York Times).
Why Silicon Valley likes Obama's patent troll offensive, par Vivek Wadhwa (juin 2013, dans The Washington Post).
Vous pouvez aussi rechercher des brevets américains sur la Free Patents Online Database (base de données de brevets gratuite) et sur Google (Patent Search).